322                            [i586] JOURNAL
« pour une affaire de laquelle il n'y a aucun honneur « de parler, ayant eu connoissance des choses desquelles « avez reçu toutes louanges, même en un sujet si clair, « que chacun peut juger de mon innocence. J'appelle « icy devant vous Dieu à témoin, si jamais j'ai eu vo-« lonté de lui donner aucun mécontentement. Un cha-« cun connoît combien de fois elle m'a offensée, et « comme je l'ai porté patiemment. On doit peser com-« bien est précieuse la dignité royale et le rang que je « tiens, étant mon inférieure, puisqu'elle est en mon cc royaume. Je lui ai démontré beaucoup d'offices d'a­ce mitié : ce qui ne l'a divertie de sa mauvaise volonté « en mon endroit. Jamais quelques afflictions et fâche-« ries que j'aye eues, comme de la mort du Roy mon « pere, de celle du Roy mon frere,.et de la Reine ma « sœur, ne m'ont tant touché au cœur comme le sujet a dont nous traitons maintenant. J'appelle Dieu à te­te moin encor un coup, si j'ai voulu user en son endroit « comme elle a fait au mien; et prenez le tout sur ma « salvation ou damnation. J'ai vû beaucoup d'histoires, « et lu possible autant que prince ou princesse de la •x chrétienté; mais je n'y ai jamais trouvé chose Sern­et blableà celle-cy. Il me souvient bien, M. de Bellievre, « de tout votre discours : je l'ai si bien compris, que « je n'en ai pas perdu un mot. Mais tout cela ne peut « m'inciter à changer de volonté : car le sang des « princes est trop précieux, et de l'inférieur au supé-« rieur il n'y a apparence de droit. Je suis toujours en <c peine pour n'être en sûreté dans ma maison et dans « mon royaume : [ains je suis assaillie et épiée de toutes a parts;] je ne suis libre, mais captive; je suis sa pri-« Sonniere, au lieu qu'elle doit être la mienne. Elle m'a
Digitized by Google